A l’heure où la tendance est plutôt à s’afficher contre le féminisme (mouvement assez flippant), j’ai bien conscience que ce post peut paraître un peu old school. Mais j’ai été bluffée par ce petit bout de bonne-femme dans son salon. Elle paraît fragile, comme ça. Souriante, douce, calme. L’anthropologue Françoise Héritier est en fait un détonateur, un ouragan. Une grande dame. C’est d’ailleurs le cœur de cette conversation, en vidéo sur Slate.fr. La petite taille des femmes par rapport à celle des hommes paraît naturelle alors qu’en réalité, elle serait acquise. Morceaux choisis.
« J’ai quelques très beaux exemples sortis de la recherche en psychologie (…) sur ce qu’on attend des comportements des bébés. On fait venir des mères avec des nourrissons de 6 ou 8 mois, qu’elles doivent placer sur des planches inclinées. Les bébés sont obligés de ramper en montant ou en descendant. Ce sont les mères qui doivent régler les planches : toutes les mères de garçons pensent qu’ils peuvent faire 15% de plus que ce dont ils sont capables, et celles de filles, 15% de moins ».
Les hommes et les femmes sont-ils différents ?
« Je n’ai pas dit qu’il n’ avait pas de différence entre les hommes et les femmes. La toute première est la différence de sexe qui fait que les corps sont différents. Mais que cette différence porte également sur des attributs qui sont de la cognition et de l’émotion, non. Car nous sommes dotés des mêmes pouvoirs, de même que nous sommes dotés des mêmes organes internes. On ne trouve pas cette différence : elle a été cherchée partout, dans le poids du cerveau, le passage entre l’hémisphère gauche et droit, on cherche maintenant au niveau des synapses… On ne l’a jamais trouvée car elle n’existe pas. Car par dessus tout ça, agit nécessairement le libre arbitre. Nos émotions, nous pouvons les contrôler. Quand nous leur laissons libre court et qu’on les encourage, on crée des modèles. Si vous dites aux petits garçons que c’est bien de se battre à coups de poings, ils le feront, et si vous dites aux petites filles que c’est mal, elles ne le feront pas. C’est une question de dressage. »
Faut-il changer le regard sur l’égalité homme-femme ?
« L’égalité n’est pas l’indifférenciation. C’est l’absence de hiérarchie. Toute hiérarchie implique une forme de dénigrement de ce qui est en dessous. Dans le système de caste, en Inde, quand on est en bas, on déteste ceux qui sont en haut, et quand on est en haut on dénigre ceux qui sont en bas. Il s’agit d’arriver à faire en sorte que faire la vaisselle et s’occuper des enfants ne soient plus considérés comme des tâches subalternes. »
Qu’ont à gagner les hommes ?
« Ils y gagnent à ne pas devoir porter sur leurs épaules le fardeau d’être le pilier sur lequel s’appuyer, celui qui décide, qui sait tout. Quand on arrive à partager, on ne laisse plus la responsabilité à un seul. La solidité et la fragilité sont répartis sur la totalité des individus : on pourrait être reconnu avec sa part de fragilité quand on est un homme, et sa part de solidité quand on est une femme. Ne pas être considéré comme un dieu tout puissant, mais quelqu’un avec qui on peut échanger. Gagner dans ses rapports avec ses propres enfants. »
Les femmes ont-elles besoin d’hommes virils et forts ?
« Dans toutes les sociétés, les femmes préfèrent avoir des partenaires plus grands qu’elles. C’est vrai. La question est : est-ce naturel ? On s’aperçoit qu’au fil des siècles, cette sélection s’est faite par une alimentation différente. Les hommes se nourrissaient de plus de protéines, les femmes de bouillies… Il n’y a pas de correspondance du même ordre dans le monde animal qui nous est propre, les mammifères. La différence de tailles fait partie des choses qui paraissent naturelles. Elle n’est pas naturelle, elle a été acquise. »
Une fois qu’on l’écoute, cette femme paraît bien plus solide et son regard bien plus lazer qu’il n’en avait l’air, non ? Pourtant, sa douceur, son calme et son sourire restent intacts. Les filles sur les réseaux, derrière vos pancartes : et si on s’invitait à la table de Françoise Héritier, dans son salon désuet, pour échanger féminité libre et affirmée autour d’un café ?
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