J’ai hésité à titrer « bobo » plutôt que « hipster ». Mais à la lecture des définitions, le second m’a semblé bien mieux adapté pour désigner Picasso et sa bande au début du XXe siècle. L’un, contraction de bourgeois-bohème, est souvent utilisé de façon péjorative pour désigner une personne assez aisée dont les actes sont contradictoires avec les valeurs de gauche qu’elle défend. Le hipster, lui, est un passionné stylé. Dans les années 1940, il adopte le mode de vie du musicien de jazz : la manière de se vêtir, l’argot, l’usage de drogues, l’attitude cool, l’humour sarcastique. La pauvreté est de rigueur et les codes de conduite sexuelle libres. Les premiers hipsters étaient généralement de jeunes blancs qui adoptaient le style des noirs urbains de l’époque.
On n’est vraiment pas loin de l’esprit des artistes de la Butte fin XIXème, début XXème. Fumoirs, alcool, opium, parties de jambes en l’air entre les artistes et leurs modèles… Les collections exposées au Musée de Montmartre dévoilent l’effervescence artistique de ses ateliers, du Bateau-Lavoir à l’atelier Cortot, et l’ambiance de ses célèbres cabarets, du Lapin Agile au Moulin Rouge. Une communauté de poètes et peintres fauchés vivaient ici, dans ce village plus proche du bidonville avec ses bâtisses en bois chancelantes, que du quartier chic et arty qu’il est devenu.
C’est au détour d’une balade à Montmarte, comme je les aime tant, que nous sommes passés devant le 12 rue Cortot, tout près des vignes de la Butte. Dans cette petite rue bordée de maisons recouvertes de vigne vierge, l’entrée fleurie du Musée donne sur le Jardin Renoir. On découvre au fond la bâtisse la plus ancienne de la Butte, construite du XVIIe siècle et devenue musée en 1960 : la Maison du Bel Air. Un vrai coup de cœur.
Lieu de rencontres et de résidence, le 12 rue Cortot attira de nombreux artistes. Auguste Renoir y eut son atelier tout comme Suzanne Valadon, Émile Bernard et les fauves Émile-Othon Friesz et Raoul Dufy. Les collections sont composées de peintures, affiches et dessins signés Toulouse-Lautrec, Modigliani, Kupka, Steinlen, Valadon, Utrillo… Une salle est dédiée au French Cancan, une autre met en scène le théâtre d’ombres, ce décor onirique de plaques de zinc qui a fait la réputation du cabaret du Chat Noir… On revient aussi sur l’histoire de la Commune de Paris, période de plus de deux mois seulement pendant laquelle ont été prises des mesures ultra modernes comme l’école laïque, gratuite et obligatoire pour tous ou l’égalité des salaires entre les hommes et les femmes… Une pépite !
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