Un trajet, deux possibilités : un aller ET un retour. Ça fait un petit bout de temps que j’ai envie de raconter mon mythique trajet en Blablacar. Enfin ce qui est mythique, c’est plutôt le retour. Vous avez un petit moment ?
L’aller, finalement, avait un goût sympathique de découverte. Sept heures avec Morgane comme conductrice, super nana très sympa. Ergonome (je ne connaissais pas ce métier) d’une petite trentaine d’années, fan de musique et férue de festivals, elle a fait tourner une playlist variée que j’ai shazamé comme une folle (NPMP – note pour mes parents : Shazam est une application permettant d’identifier des musiques en cours d’écoute) à coup de « c’est booonnn ça ! » Les deux derrière ont ronqué illico presto, passées les 5 minutes réglementaires de « Tu fais quoi dans la vie ? Blablabli, blablabla… » et hop les « roonnnn pichhhhh » ont bercé notre bolide lancé à plein vitesse vers les montagnes des Hautes-Alpes. J’ai halluciné sur ces deux petites meufs qui une fois installées derrière ont littéralement disparu de la surface de la terre, offrant ainsi leurs trognes double-mentonnées et baveuses, ballotant au gré du relief de la route, à la merci de mes photos Instagram qui auraient, si je n’avais pas eu un minimum de scrupules, pu faire le tour des Internet ! Passons aussi leurs exigences à l’approche de leurs destinations, nous forçant à faire des détours à la nuit tombée dans le centre de villages fantômes, alors qu’ils n’étaient même pas sur le trajet initial ! Bon, ça nous aura au moins permis, ma conductrice et moi, de bien rigoler une fois qu’elles avaient le dos tourné. J’espère bien avoir à nouveau l’occasion d’enquiller les kilomètres en sa compagnie !
Non, ce qui est vraiment mythique, c’est bel et bien le retour vers Paris, cinq jours et quelques belles randos plus tard.
Imaginez. Sylvie et Jean-Paul. Couple de 50 ans. Renault Espace. Rendez-vous à 15h sur le parking de l’Intermarché du coin. Ca y’est, on y est. Ils sortent de la voiture. Elle, collier de perle, chemise bleu clair et serre-tête en velours. Lui, moustache, chemise vichy rose et blanche et pantalon beige. Sourires pleins de dents.
– « Bonjouuuuurrrr ! Vous devez être Mélanie ? »
– « Oui, enchantée, vous devez être Sylvie » (j’ai été renard dans une autre vie)
– « Prenez place Mélanie, je vous présente Jean-Paul, mon mari. Bienvenue dans notre Blablacaaaaaar !«
Houla, c’est sympa, mais un peu too much non ? Bisous d’au revoir à mon chéri, regard amusé… un peu inquiet. Je salue par la fenêtre mes deux compagnes de trajet à l’arrière. L’une d’elles descend et me laisse la place du milieu. Merde, je déteste la place du milieu. Pas moyen de s’installer confortablement quand on est au milieu. Et puis moi qui ait une tendance au mal des transports, je ne pourrai pas regarder la route ou aller chercher un peu d’air par la fenêtre. Je monte dans l’habitacle à la senteur vanille. Sapin magique en ligne de mire. Les portes se referment. Sylvie prend place au volant. Jean-Paul s’installe confortablement. On est parti.
Le serre-tête en velours (tiens, il est vert foncé avec de petits pois blancs très fins) :
– « Alors comme je disais, bienvenuuuue dans notre Blablacaaaaar ! (coup d’œil dans le rétro) Nous espérons Jean-Paul et moi que vous ferez un agréable voyage en notre compagnie (acquiescement du-dit Jean-Paul). Vous avez des bouteilles d’eau à votre disposition. Nous nous arrêterons toutes les deux heures pour échanger le volant avec Jean-Paul. Vous aurez alors quartier libre de 10 minutes pour le pipi… ou le popo ! (bon ok sur le popo j’exagère, mais je suis sûre qu’elle le pensait très fort). Cela vous convieeeennnnt ? »
– « Ouiiiii… » de nous trois en cœur. Des « oui » d’ados qui n’attendent qu’une chose : que les parents passent à autre chose pour pouvoir enfin écouter de la musique et jouer sur leurs smartphone. J’ai l’impression tout à coup d’avoir 14 ans et demi et de revenir de colonie. C’est une blague ? Je regarde mes deux covoitureuses d’un air interloqué. Pas de réaction. Regards fuyants. Écouteurs sur les oreilles. Magazines déjà ouverts sur les genoux. Le mode ados quoi. Elles ont choisi de ne pas créer plus de relations pendant ce trajet. Chacun sa peau, c’est ça ? Okay les meufs, on la joue comme ça ? Et bien je vais les faire, moi aussi, les 5 minutes réglementaires et ronquer dans la foulée, y’a pas de raison. Merde, j’ai la place du milieu. Les fourbes.
Bon, ce qui est bien, c’est que Sylvie et Jean-Paul ne sont pas si bavards. Et mes deux traitresses muettes comme des carpes. Je m’assoupis. Mais ma tête dodeline et je manque de tomber sur l’une ou l’autre de mes voisines. J’ai déjà vécu ça dans le métro : un homme visiblement épuisé qui manquait de s’endormir sur moi et se rattrapait à la dernière minute. Insupportable. Je ne veux faire subir ça à personne, pas même à mes deux nouvelles pires ennemies. Je bois un coup d’eau. Impossible de lire. Qu’à cela ne tienne, je me plonge dans mes souvenirs de ce fabuleux séjour à la montagne… « Nous arrivons dans 5 minutes à l’Aire des Croquettes, préparez-vous ! » Ha déjà deux heures ? « Quartier liiiibre ! Rendez-vous dans 10 minutes à la voiture ! » Et hop, tout le monde disparaît.
Dix minutes plus tard, nous sommes réunis devant la Renault Espace, sourires de convenance, dans un silence gênant. Sylvie nous tend un paquet : « Je vous ai acheté des… bonboooonnnns ! » Mon Dieu où est la corde ? J’espère qu’il y a des rouleaux de réglisse pour me pendre.
Bon, allez j’avoue, au final ce trajet a été plutôt agréable. Jean-Paul et Sylvie s’avéraient être des personnes curieuses et généreuses. Parents de grandes filles de nos âges, Versaillais, pour eux Blablacar n’étaient pas tellement une source de revenus mais plutôt un moyen de faire des rencontres qu’ils n’auraient pas faites autrement. Nous avons fini par discuter ensemble vers la fin du trajet, ils ont fait un détour pour m’arranger au niveau du métro. Et puis il n’y avait pas de rouleaux de réglisse, mais des fraises tagada et des crocos, mes préférés.
Le lendemain, j’ai reçu deux notifications par email. Morgane et Sylvie avaient laissé un avis sur mon profil Blablacar. Deux bons points, ouf ! Mais pas pour les mêmes raisons…
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