Seules les montagnes ne se rencontrent jamais // Only mountains never meet

J’aime les proverbes. Philosophie imagée. Poésie populaire. Métaphores à hauteur d’homme. Connivence immédiate entre ceux qui les connaissent. Comme les chansons de colo ou l’argot. Quelques mots prononcés, un couplet fredonné, et c’est toute une enfance qui resurgit. Un repas de famille. Ma grand-mère qui tricote et me raconte les histoires de sa jeunesse. Mon frangin et sa mémoire d’éléphant sait toujours les réutiliser au détour d’une phrase. Et dans ces cas-là, j’explose de rire comme si j’avais sept ans et demi.

« Il n’y a que les montagnes qui ne se rencontrent jamais »… Ce proverbe-ci, je l’ai découvert très récemment. C’est un proverbe haut-savoyard, prononcé par la mère de notre ancienne propriétaire, à Sallanches. Cette femme de plus de soixante-dix ans est venue se présenter à moi un jour où je bossais dans le jardin, sur une chaise longue, face à la montagne. Elle avait appris que nous allions quitter la maison bientôt. Alors que l’on se disait au revoir, elle a prononcé cette petite phrase avec un regard amusé et profond à la fois. Elle tourne dans ma tête, depuis, de temps à autres.

Sans doute parce que l’homme avec qui je vis aujourd’hui, je l’avais déjà rencontré il y a plus de 20 ans. Nous étions amis de jeunesse, sans jamais imaginer que pas loin de nos 40 ans, nous nous rencontrerions à nouveau. Vraiment. Alors que des montagnes nous séparaient depuis des années. Les montagnes des Alpes, mais des montagnes de repères et de références aussi. Des montagnes de choses matérielles, d’histoires partagées ou non, des montagnes de tout et de rien. Et puis comme nous sommes des Hommes, et non des rocs, nous avons su nous (re)trouver.

Peut-être parce qu’elle invite à se poser la question de sa montagne à soi. De ce que l’on cristallise comme pensées et nous empêche de nous mouvoir. Dans quelle mesure la vie que l’on s’est forgée n’est pas une superposition de couches de croyances et d’habitudes qui nous façonnent en rocs imaginaires. Les uns à côté des autres. Sans jamais nous rencontrer vraiment. Ou très rarement.

Peut-être aussi parce que cette petite phrase sous-entend que du mouvement découle l’espoir, la rencontre, le hasard. Parce qu’elle remet les êtres vivants, mobiles, explorateurs, au cœur de l’univers. Les montagnes sont là et bien là, depuis toujours, bien avant nous, petits êtres de passage sur terre. Et elles le seront bien après nous. Elle sont souvent difficiles à arpenter, mais contrairement à elles, nous avons le pouvoir de les dépasser. De les gravir ou simplement les parcourir. D’ouvrir les horizons et laisser aux possibles toute leur liberté d’action.

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I like proverbs. Philosophical images. Lowbrow poetry. They create immediate camaraderie. Things like slang or summer camp songs. Only a few words are needed to make my childhood reappear : family dinners, moments when my grandmother was knitting and telling me the stories of her youth. My brother with his elephant’ like memory still remembers them. He makes me laugh as if I was seven.

I discovered a proverb recently, when the mother of the woman we rented from – a woman over seventy years old – came to introduce herself while I was in the garden working on my computer and facing the mountains. She’d learned we were going to move soon, so she came to chat and wish us well. As she left, she said to me « only mountains never meet » with an expression that was both amused and profound.

Now this saying turns in my head from time to time.

Who would have thought that a man I knew 20 years ago would reappear in my life and be the man I’m now in love with ! Though mountains separated us for years : actually – the Alps, and symbolically – lifestyles. Mountains of material things, mountains of history. Mountains of both everything and nothing. But because we are humans and not rocks, we’ve had a chance to meet again.

Maybe I think about this saying because I wonder what my own imaginary mountain is. Which of my thoughts stop my movements sometimes ? Is life a superposition of beliefs and habits that transform us like rocks ? The ones next to each other. Without ever really meeting. Or very rarely.

Maybe I think about it also because this proverb says between the lines that movement is hope and chance. It puts human beings – moving and exploring – into the heart of the universe. Mountains exist from always, before us and after us, the little things on Earth. They’re often hard to walk, but we have the power to overtake them. To go up or simply walk through them. To open the horizon of possibilities.

8 réponses à « Seules les montagnes ne se rencontrent jamais // Only mountains never meet »

  1. Chouette! Belle plume, comme d’habitude; leçon d’humilité, de philosophie et un paquet d’énergie pour la journée. Merci Mélanie! Bises

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    1. Merci Sophie, ça fait plaisir de te croiser par ici ! Très belle journée à toi ! Bises

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  2. oh la plume de ma sista, que je l’aime…c’est doux de te lire…bisous xxxx

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    1. Merci ma Clem bisousss ❤

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  3. Quel plaisir de lire !!!! tout est tellement vrai tu m’as filé des frissons …. moi j’en ai un autre proverbe que j’aime bien …. » tout vient à point à qui sait attendre.. »
    Bisous et à très vite

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    1. Ah ah oui !! Patience, maître mot… Yo et moi, on en sait quelque chose 😉 Bisous ma Cécé

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  4. tout arrive à point à qui sait attendre
    love

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  5. en fait c’est « tout vient à point à qui sait attendre »…

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