« Ahhhh, Mélanie et son sac à dos ! » Depuis que j’ai l’âge de voyager seule, j’ai entendu mon père me chambrer quand il me voyait débarquer sur le quai d’une gare avec ma maison sur le dos. Et c’est vrai qu’il fait un peu partie de moi, ce sac-à-dos.
Dans sa version quotidienne, il contient mon ordi, mon téléphone/appareil photo, un livre, un carnet, des feutres et un stylo. Pour quelques jours, on y trouve des vêtements et chaussures pour plusieurs options météo, une trousse de toilette (assez fournie, j’arrive pas à faire light là-dessus), plusieurs bouquins et du matériel d’aquarelle. Pendant 6 mois de ma vie, j’ai même embarqué mon chat, mon piano, quelques pulls et une partie de ma biblio pour m’installer dans les montagnes, le coeur plein à craquer d’espoir de renouveau. Enfin, et je crois bien que ce sera encore le cas tout le reste de mon humble existence, je transporte sans cesse avec moi des pensées, des projets, des questions, des souvenirs, des images… qui émergent, se dissipent et bien souvent se renouvellent l’espace d’un voyage.
Ce sac, je l’ai encore eu sur le dos ces 5 derniers jours, à l’occasion d’un déplacement professionnel à Annecy, ville dans laquelle j’ai vécu presque 4 ans, il n’y a pas si longtemps. Et au-delà des 3 grosses tranches de Beaufort bien odorantes qu’il contient en ce trajet du retour, mon sac fétiche renferme également une bien vaste question :
« Qu’est ce qui nous fait nous sentir appartenir à un lieu ? »
Pour certains, ce seront surtout les paysages, des champs, la mer, la montagne, la couleur d’un ciel… pour d’autres la culture, le langage, la manière de se vêtir, de manger, de célébrer… pour d’autres encore, les liens affectifs avec une âme, celle d’une personne, d’un animal, d’un arbre, d’une maison…
Pour ma part, j’ai compté : dans ma courte vie (peut-on encore dire ça à 43 ans), j’ai déménagé ONZE FOIS. Et 5 fois ces 5 dernières années. Vous pouvez le dire : une véritable sauterelle. C’était d’ailleurs le surnom que me donnaient mes parents, petite, quand je m’asseyais par terre dans le jardin, pieds nus, avec mes longues jambes qui me donnaient une allure d’insecte.
Avec onze déménagements, on pourrait croire que je ne m’attache pas à l’âme des lieux. C’est tout le contraire. À travers ces différentes explorations, j’ai gardé en moi plusieurs lieux « refuge » auxquels je me suis attachée d’une façon extraordinaire parce qu’ils symbolisent non seulement des environnements féconds qui m’auront permis de grandir, mais aussi un partage avec des âmes qui me sont chères : Apremont, New York, Montmartre, Bonnaves, Favelle, Annecy.
J’ai souvent jugé sévèrement ma soif de nouveaux horizons comme une « incapacité à me poser quelque part ». Au plus profond du marasme causé par mon infertilité, j’ai même supposé que c’était lié : incapacité à me poser > incapacité à « nidifier » > pas de bébé (écrit comme ça, on est pas loin du « pas de bras, pas de chocolat »). Supposition qui, quand on y regarde d’un peu plus près, s’évapore et embaume telle une vesse de loup au simple constat que de nombreuses femmes tombent enceintes dans des situations bien plus instables et précaires que la mienne (j’ai toujours eu la chance d’avoir un toit, un frigo rempli, de l’amour et des amis).
Je crois que cette fois, grâce à ce séjour dans ma jolie Annecy, au fil des discussions et des retrouvailles, ma « culpabilité de la sauterelle » semble s’être envolée. Voire même – et jamais je n’aurais pensé l’écrire un jour, encore moins publiquement ici – je me sens presque chanceuse aujourd’hui de pouvoir profiter de cette grande liberté de mouvement qu’offre le fait de ne pas avoir d’enfant.
Le mouvement, tiens tiens… Saviez-vous qu’un lieu est par définition « une portion déterminée de l’espace« , espace qui lui-même signifie « une étendue qui ne fait pas obstacle au mouvement ». Un lieu serait donc un point donné dans une étendue de liberté. Cette perception séduit grandement la sauterelle que je suis, bercée par ce trajet qui m’éloigne des montagnes et me rapproche de mon village et l’apéro de retrouvailles : deux lieux auxquels je me sens appartenir tout autant, et qui m’offrent cette liberté de mouvement à laquelle je tiens tant.
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