Pourquoi part-on ? Retour sur la conférence lumineuse de Sylvain Tesson

La semaine dernière, j’ai assisté au festival international du film d’aventure à Paris : 5 films documentaires, une conférence de Sylvain Tesson et un concert franco-panaméen plus tard (coup de coeur pour Mathieu Des Longchamps), j’ai encore envie de creuser cette question : pourquoi part-on ?

« L’aventure est ce qui vous entraîne malgré vous à accepter de vivre le réel pour en faire un récit poétique » – Sylvain Tesson

Suivre la pensée de l’écrivain voyageur Sylvain Tesson pendant cette conférence, c’était un peu comme suivre un guide en pleine montagne : entre éclaircies et brouillards, il fallait s’accrocher et éviter de le perdre de vue car le panorama tout là-haut en valait la chandelle. Je vous partage ici ce qui a fait écho pour moi.

Mais avant cela, un léger élément de contexte perso, puisque nous sommes sur un blog et que c’est un peu ma maison (faites comme chez vous, d’ailleurs, il reste des trop bonnes crêpes dans le papier d’alu là) : cette réflexion tombait à point nommé à cette période de ma vie où je me sentais encore un peu à la croisée des chemins, tiraillée entre « prendre à droite vers Annecy » ou « prendre à gauche vers Mantes-la-Jolie ». Peut-être d’ailleurs que ces subtiles références politiques ne sont pas tout à fait laissées au hasard…

Pourquoi part-on ?

Pour Sylvain Tesson, l’être humain étant nomade par essence, il partirait pour deux simples et bonnes raisons : d’abord, pour se sentir libre, pour perdre ses repères et s’en faire de nouveaux, pour se découvrir autrement… Dans une société où tout est de plus en plus contrôlé, canalisé, formaté, notre instinct nous pousserait à prendre le large, effacer les traces, sortir des radars. L’autre raison est que l’on ne pourrait tout simplement pas faire autrement : nous serions toutes et tous des âmes en chemin, en quête constante, et nous ne pouvons nous dérober à cette pulsion d’aller chercher une sorte d’élixir dans l’ailleurs.

Que fait-on quand on part ?

J’ai particulièrement aimé cette partie de la conférence. En effet, que fait-on réellement quand on part ? Que va-t-on chercher ? La théorie du philosophe me parle : ailleurs, loin de vivre de chimères et d’eau fraîche, au contraire, on se reconnecte au réel. Le mouvement ravive les émotions, le coeur bat plus fort, on se sent vivre de tout son corps, on a plus chaud, plus froid, plus faim, on a peur, on se dépasse, on risque, on découvre, on agit… nos sens sont en éveil et l’on pose finalement un autre regard sur le monde. Au point que parfois, en voyage, on ressent cela : les moindres petites choses du quotidien paraissent soudain merveilleuses. Au vrai sens du terme. Quand on part, nous dit Sylvain Tesson, on va chercher le merveilleux, « ce subtil interstice entre le réel et les chimères ».

Que fait-on quand on rentre ?

Au retour, vient la place du récit, de la narration. Le philosophe le dit très bien : une aventure ne vaut que si elle est racontée. Mais cette réflexion me fait surtout penser à Annie Ernaux, qui va plus loin avec ces mots : « Si je ne les écris pas, les choses ne sont pas allées jusqu’à leur terme, elles ont été seulement vécues ». Seulement vécues… Je ressens la même chose. D’ailleurs écrire en ce moment ce que j’ai retenu de cette journée sur le thème de l’aventure donne à cette expérience plus de sens, plus de corps. Comme si j’en tirais enfin un enseignement en le partageant.

Mais le vrai conteur, celui que l’on écoute à la bougie avec attention, celui qui nous embarque alors qu’on ne l’a pas suivi par delà les montagnes et les flots, celui qui rassemble, fédère, éclaire… ne parle pas que de lui-même. Il doit trouver ce qui fait battre les coeurs à l’unisson. Ce quelque chose d’universel qui nous donne l’impression que cette aventure, c’est aussi un peu la nôtre.

Il ne serait donc pas toujours utile de partir réellement pour vivre une aventure ? Après tout, les récits, les contes, les mythes, les poèmes et les légendes, existent pour nous faire toucher du doigt le merveilleux. Et nous pouvons aussi décider de prendre le rôle d’un conteur en cherchant le merveilleux dans les moindres recoins du quotidien…

Pour ma part, le choix est fait : je pense avoir sous le coude pas mal de récits inachevés, et tout autour de moi, encore des merveilles à déceler. À gauche toutes !

Une réponse à « Pourquoi part-on ? Retour sur la conférence lumineuse de Sylvain Tesson »

  1. Comme toujours, j’aime ce que ma fille écrit mais je ne suis pas « objective » n’est-ce pas ?
    D’ailleurs ce qualificatif ne devrait pas exister car nous ne pouvons qu’être subjectif en toutes occasions, surtout en voyage !

    J’aime

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